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La religion grecque antique n'existant plus en tant que telle, il n'est pas possible de la décrire à partir d'observations directes. Il faut donc, pour la connaître, s'appuyer sur un ensemble important de sources, qui sont principalement d'ordre littéraire, épigraphique et archéologique. Quelque riches et intéressantes qu'elles soient, toutes ces sources ne sont réellement pertinentes que considérées ensemble.

Les sources littéraires

Les sources permettant d'appréhender la religion grecque sont principalement d'essence littéraire. Le point le plus notable est l'absence de tout texte sacré. Aucun n'est de nature divine ou supposée telle, n'est religieux, n'énonce un dogme ni ne décrit de manière normative les rites. On a seulement affaire à un ensemble disparate de textes littéraires, dans lesquels sont mêlés de manière éparse des éléments de nature religieuse comme des descriptions de rites, des légendes, des mythes. De plus, les auteurs grecs tenaient à se distinguer par leur connaissance encyclopédique des mythes en question, allant jusqu'à citer ou inventer des faits inconnus d'autres sources. Il n'est donc pas toujours possible, lorsque l'on rencontre la description d'une légende isolée ou d'un mythe différent d'une version plus célèbre, de trancher, sans pouvoir affirmer si l’on est face à un cas particulier de cette légende ou de ce mythe propre à une région précise, ou bien n'est-ce qu'une invention de l'auteur lui permettant de se distinguer des autres.

Homère

Premier des auteurs grecs — on le situe aux alentours du — les deux œuvres que la tradition lui attribue (son existence même étant sujette à caution), l’Iliade et l’Odyssée, sont considérées, jusqu’à la fin de l'Antiquité grecque, comme la première source de sagesse et d'apprentissage des valeurs humaines. À l'époque classique encore, soit aux , les Grecs se reconnaissent en ces textes. Ceux-ci sont riches en descriptions de rites (principalement des prières et des sacrifices), que l'on retrouve tels quels aux époques postérieures. Les témoignages apportés sont donc relativement fiables. De même, ils renseignent sur les rapports entre les hommes et les dieux, lesquels sont vus de manière très humaine : ils souffrent physiquement et psychologiquement, se réjouissent, peuvent être blessés. Cette grande proximité entre les dieux et les hommes est une conception classique de la divinité, que l'on retrouve fréquemment tout au long de l'Antiquité.

Exemple de description d'un rite, au chant XI, vers 23-43, de l’Odyssée :

Ἔνθ’ ἱερήϊα μὲν Περιμήδης Εὐρύλοχός τε

Ἔσχον· ἐγὼ δ’ ἄορ ὀξὺ ἐρυσσάμενος παρὰ μηροῦ

Βόθρον ὄρυξ’ ὅσσον τε πυγούσιον ἔνθα καὶ ἔνθα,

Ἀμφ’ αὐτῷ δὲ χοὴν χεόμην πᾶσιν νεκύεσσιν,

Πρῶτα μελικρήτῳ, μετέπειτα δὲ ἡδέϊ οἴνῳ,

Τὸ τρίτον αὖθ’ ὕδατι· ἐπὶ δ’ ἄλφιτα λευκὰ πάλυνον.

Πολλὰ δὲ γουνούμην νεκύων ἀμενηνὰ κάρηνα,

Ἐλθὼν εἰς Ἰθάκην στεῖραν βοῦν, ἥ τις ἀρίστη,

Ῥέξειν ἐν μεγάροισι, πυρήν τ’ ἐμπλησέμεν ἐσθλῶν,

Τειρεσίῃ δ’ ἀπάνευθεν ὄϊν ἱερευσέμεν οἴῳ

Παμμέλαν’, ὃς μήλοισι μεταπρέπει ἡμετέροισιν.

Τοὺς δ’ ἐπεὶ εὐχωλῇσι λιτῇσί τε, ἔθνεα νεκρῶν,

Ἐλλισάμην, τὰ δὲ μῆλα λαϐὼν ἀπεδειροτόμησα

Ἐς βόθρον, ῥέε δ’ αἷμα κελαινεφές· αἱ δ’ ἀγέροντο

Ψυχαὶ ὑπὲξ Ἐρέϐευς νεκύων κατατεθνειώτων.

Νύμφαι τ’ ἠΐθεοί τε πολύτλητοί τε γέροντες

Παρθενικαί τ’ ἀταλαὶ νεοπενθέα θυμὸν ἔχουσαι,

Πολλοὶ δ’ οὐτάμενοι χαλκήρεσιν ἐγχείῃσιν,

Ἄνδρες ἀρηΐφατοι βεϐροτωμένα τεύχε’ ἔχοντες·

Οἳ πολλοὶ περὶ βόθρον ἐφοίτων ἄλλοθεν ἄλλος

Θεσπεσίῃ ἰαχῇ· ἐμὲ δὲ χλωρὸν δέος ᾕρει. <poem>Là, Périmède et Euryloque tenaient les victimes [du sacrifice] ;

Moi, je tirai mon glaive acéré du long de ma cuisse

Et creusai une fosse d'à peu près une coudée :

Tout autour, je versai la libation pour tous les morts :

Tout d'abord du lait miellé puis du vin doux

Et enfin de l'eau. J'y répandis une blanche farine.

À plusieurs reprises, je suppliai à genoux les têtes sans vie des morts,

Leur promettant, si je rentrais en Ithaque, la meilleure vache stérile qui soit

Pour la sacrifier dans ma grande salle, et d'emplir un bûcher de trésors.

Pour Tirésias seul, en outre, le sacrifice d'un bouc

Entièrement noir, joyau de nos troupeaux.

Quand, de mes vœux et mes prières, le peuple des morts

J'eus supplié, je pris les chèvres et leur coupai la gorge

Au-dessus de la fosse ; le sang se mit à couler en nuées noires :

Les esprits des morts, montant de l'Érèbe, se rassemblèrent,

Ceux de jeunes filles, de jeunes gens, d'hommes aguerris,

De vierges tendres au cœur affligé d'un deuil nouveau,

Des nombreuses proies des lances de bronze,

Des victimes d'Arès, portant encore leurs armes ensanglantées.

Et ces esprits de s'assembler autour de la fosse, de tous côtés,

En une formidable clameur. J'en devins livide de peur.</poem>

Il s'agit là d'une invocation aux morts dont les étapes sont décrites par le menu : creusement d'une fosse (les morts se situant traditionnellement dans les profondeurs de la terre), libations, prières et sacrifice sanglant, le sang des victimes animales pouvant rendre aux âmes des morts assez de force ainsi qu'une certaine forme de conscience. Cette scène ne doit pas être considérée comme un élément folklorique isolé : ce rite, en effet, est confirmé sous cette forme par d'autres documents, et les témoignages se recoupent.

Hésiode

Auteur béotien de la fin du , deux de ses œuvres majeures sont riches en témoignages religieux : le plus célèbre, la Théogonie, rapporte comment fut créé le monde et les dieux. C'est avant tout une source mythologique. La seconde, les Travaux et les Jours, poème consacré au monde agricole, décrit des rites propres au monde paysan. C'est, de plus, dans ce poème que l'on trouve le mythe des races.

Hymnes homériques

Ces textes, écrits entre le et le apr. J.-C., ne sont pas d'Homère, mais rédigés dans son style. Ils forment un recueil de poèmes adressés à telle ou telle divinité, sans ordre ni unité de taille. Leur intérêt est surtout mythologique, chaque dieu majeur y trouvant sa biographie.

Poètes lyriques archaïques ()

Il ne reste essentiellement que des fragments des œuvres de ces poètes. Deux poètes en particulier se détachent :

Bacchylide ( s.) : plusieurs de ses textes sont complets ; ceux-ci se consacrent à des héros, comparés à tel ou tel dieu.

Pindare (v. -518-v. -446) : poète de cour, écrit à la commande de tyrans pour célébrer des victoires sportives (épinicies) lors de jeux ; ses textes, eux aussi, sont des comparaisons, cette fois-ci entre les athlètes avec les dieux. Ils offrent cependant des témoignages parfois ambigus. Son approche morale, en effet, lui fait supprimer certains passages « gênants » des épisodes divins, ce qu'il avoue parfois.

L'on peut constater un exemple clair de ce rapport particulier que l'auteur entretient avec les mythes dans la deuxième partie de la Première Olympique. Celle-ci est consacrée aux Atrides Tantale et Pélops, son fils. L'épisode mythologique traditionnel rapporte comment, ayant voulu tester la sagacité des dieux, Tantale les invita à un repas au cours duquel il leur servit son propre fils en ragoût. Déméter seule en mangea une épaule, sans se rendre compte de l'ignominie de son acte. Cet épisode est problématique : il présente des dieux cannibales malgré eux. Pindare ne peut cependant pas, dans une ode consacrée aux courses de chevaux, l'ignorer, Pélops étant en effet le fondateur mythique des concours hippiques. Le poète raconte donc une autre version du mythe, précisant que les autres sont mensongères et blasphématoires : Tantale aurait invité les dieux à un repas de bonne tenue ; Poséidon, cependant, tombé amoureux du jeune Pélops, l'aurait enlevé et, devant l'absence du jeune homme, un voisin jaloux de Tantale l'aurait calomnié en disant que, justement, si Pélops était introuvable, c'est que son propre père l'aurait servi aux dieux. Pindare indique ici clairement qu'il rejette les versions antérieures à la sienne : Ἐμοὶ δ’ ἄπορα γαστρίμαργον μακάρων τιν’ εἰπεῖν. Ἀφίσταμαι (« Il m'est impossible d'appeler « glouton » quelque immortel que ce soit. Je m'y refuse »).

Littérature classique (fin du )

La littérature classique est riche en témoignages religieux indirects. L'on n'y trouve cependant qu'un seul texte, la tragédie Les Bacchantes d'Euripide (v.-480/-406), se consacrant exclusivement à un sujet religieux. Dans la comédie, les divinités apparaissent souvent, mais la plupart du temps de manière parodique. Les Acharniens, comédie d'Aristophane (445-380), décrit une dionysie rurale, cérémonie en l'honneur de Dionysos. L'authenticité de la description est garantie par l'humour de l'auteur : celui-ci, pour faire rire son public, n'invente ni ne déforme la dionysie ; l'évocation, en effet, n'est pas burlesque en soi ; ce qui l'est, c'est qu'un personnage conduise sa dionysie pour lui seul.

Période hellénistique (-323/-30) Œuvres didactiques

C'est à l’époque hellénistique que commencent à apparaître des analyses, descriptions et commentaires des rites. Le problème principal de ces témoignages tient au souci de rationalisation, apparu à la suite de Platon, qui a pu pousser les commentateurs à modifier ou transformer leurs objets d'étude (rites, légendes, mythes) afin de les rendre conformes à une certaine rigueur logique, de sorte que le lecteur moderne n'est pas assuré de l'authenticité des descriptions. L'importance de l'évhémérisme (d'Evhémère, écrivain du ) se fait aussi sentir : c'est la tendance à justifier les légendes et les mythes par la déformation supposée de faits historiques lointains. L'évhémérisme, par exemple, explique que les dieux majeurs du panthéon grec étaient d'anciens rois que la mémoire humaine a divinisés. Enfin, ces textes sont surtout d'essence philosophique : il n'est pas possible de savoir ce que le peuple lui-même pensait de sa religion. Parmi les auteurs notables, il faut retenir Diodore de Sicile (v. 90-v. 20) et sa Bibliothèque historique (Livre IV), ainsi que le pseudo-Apollodore ( ou ) et sa Bibliothèque, sorte de compilation analytique des mythes.

Poésie

La poésie hellénistique offre aussi quelques témoignages, bien moins sûrs puisque leurs auteurs, encore une fois, inventent des mythes ou en utilisent des versions rares. Quoi qu'il en soit, pour plaire au public, il fallait que celui-ci connût les légendes décrites, ce qui exclut une trop grande inventivité. En effet, l'on trouve chez Callimaque de Cyrène (-310/-243), dans ses Hymnes (parfois très proches des Hymnes homériques ; il pourrait d'ailleurs être l'auteur de certains de ces textes), la mention de rites rares, cependant connus par d'autres sources parfois très lointaines. De même, Apollonios de Rhodes, dans ses Argonautiques (racontant la légende des Argonautes), met en scène un mythe datant au moins de la période homérique, en l'agrémentant de rites et de dieux peu connus qui, cependant, existaient bien. L'on a donc affaire à de vrais témoignages.

Plutarque (v. 46–v. 120) : ayant lui-même assumé la charge de prêtre d'Apollon à Delphes, plusieurs de ses écrits sont consacrés aux phénomènes religieux.

Pausanias () : géographe d'une grande érudition, il recense dans sa Périégèse ou Description de la Grèce, description minutieuse de la Grèce non insulaire de son époque rédigée sous la forme d'un guide touristique, tous les sanctuaires en activité, les rites de son temps et du passé, les lieux saints, statues, bâtiments et autres « antiquités religieuses ». Véritable mine d'information pour les archéologues, certaines de ses descriptions sont d'une précision impressionnante. Le problème que soulèvent ses témoignages vient de sa méthode d'investigation : Pausanias ne distingue pas clairement ce qu'on lui a raconté de ce qu'il a vu et de ce que l'on pouvait voir dans son passé.

Sources épigraphiques

Les sources épigraphiques, pour la connaissance de la religion grecque, sont les plus riches et les plus fiables ; elles ne sont, en effet, pas littéraires : le style et l'originalité n'y priment donc pas, au contraire de la concision et du caractère informatif. L'épigraphie offre de multiples témoignages :

calendriers religieux

descriptions de rituels, de fêtes

comptes de gestion de sanctuaires (nombre de sacrifices, taxes
entre autres)

réglements d'associations religieuses (modalités d'entrée des membres, par exemple)

dédicaces à des dieux (ce qui permet parfois d'en connaître des aspects plus rares)

questions posées aux oracles (gravées sur des plaquettes de plomb, par exemple)

comptes rendus d'oracles, etc.

L’intérêt principal de ces témoignages tient à leur statut de documents bruts
: ils montrent l'aspect collectif et individuel de la religion, sans être déformés par le prisme littéraire. Leur défaut majeur est bien sûr leur caractère fragmenté et souvent isolé de tout contexte suffisant.

Sources archéologiques

L’essentiel de ces sources provient de fouilles de sanctuaires, qui offrent principalement :

des informations sur l'architecture religieuse

des statues de dieux

des décors religieux sur
les :

frontons de temples frises ioniques métopes doriques

des représentations de rites et d'épisodes mythologiques sur les vases

des portraits de dieux sur les monnaies (sachant que chaque ville est protégée par un dieu précis, l'on peut ainsi en reconnaître des attributs plus rares), entrez autres. Toutes ces sources forment un ensemble disparate, qu'il est parfois difficile d'appréhender à sa juste valeur ; elles permettent cependant de dessiner les grands traits de ce que fut la religion grecque antique.

Bibliographie

Histoire Sommaire illustrée de la littérature grecque, J. de Gigord Éditeur (1933)

Liens Articles connexes Notions fondamentales Rites Les oracles Grèce antique

Catégorie:Religion de la Grèce antique

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Apollon, quels mythes !… Mais au fait, les Grecs croyaient-ils à la mythologie grecque ? par Marguerite Champeaux-Rousselot

Publié le 24 novembre 2018 20 septembre 2019 par margueritedesmondes

Essai de reconstitution de la naissance d’un dieu et de son vécu par les humains

à travers les textes antiques grecs et latins

( 2007-09-26)

Introduction : questions de base !

Croyaient-ils donc à tous ces récits mythologiques !! ? Question exclamative et provocatrice…

Notre mot « Religion » n’existe pas en grec ancien.

« La Mythologie grecque ? Des bobards pour les touristes et les naïfs ! » s’exclamait un prêtre grec d’Apollon. …

Mais alors que pensaient les Grecs de leur Mythologie ? Y croyaient-ils ? Au fond, quelle était leur Foi ?

Homère (X°) et Hésiode (naît vers 700 av. J.C. ou plus tard ) étaient reconnus par les Grecs comme ayant fondé la mythologie grecque …

Pindare ( 520-445 ) crée des versions poétiques contradictoires du même mythe pour répondre à une commande de l’équivalent d’un Conseil d’administration du Temple de Delphes..

Ne nous étonnons donc pas qu’Hérodote (485-425

) déclare sans ambages : «

Quelle est l’origine de chacun de ces dieux? Ont-ils toujours existé ? Quelles formes avaient-ils? Voilà ce que les Grecs ignoraient hier encore pour ainsi dire. »

Quant à Plutarque (46-120 ap. J.-C.), prêtre d’Apollon et historien-géographe, il détestait les mythes sur Apollon et n’y croyait pas, y voyant des contes croustillants, ou des légendes destinées à attirer les pèlerins naïfs et les touristes… et vitupérait contre les guides locaux…

Prenons deux exemples :

Si nous observons la carte d’identité de Zeus, on est surpris :

pères divins : Kronos, Chronos ou autres

pères humains : Homère et Hésiode,

mère : plusieurs mères possibles

lieu de naissance : l’Inde, la Crète ou le Ciel ou autres endroits en Grèce …

date de naissance : ??? , mais on en a des traces avant le X° siècle avant J.-C.

Quant à Apollon, Homère en fait un dieu qui massacre les Grecs, et Hésiode le passe quasi sous silence.

Si les Grecs se demandaient si leurs dieux ont toujours existé, croyaient-ils en la mythologie ? Croyaient-ils aux dieux ?

Et, au fond, cet exemple pourrait-il nous aider à comprendre sur quoi et comment se fondait, à l’époque, une religion ?

Notre enquête se limitera aux origines de la mythologie grecque et se fondera sur des exemples très concrets tirés de l’Archéologie, des sites et des textes…

La méthode pour y trouver réponse, en Grèce, à partir d’un exemple : des récits concernant Apollon

La Grèce antique,

On n’en connaît pas très bien son Histoire, ni, le plus souvent sa religion et ses rites ( notre mot « Religion » n’existe pas d’ailleurs à proprement parler en grec ancien), mais on aime la mythologie grecque…

Elle est même plus à la mode que jamais dans les jeux de rôles par exemple !

On est même calé, on sait dire par exemple qui sont Dionysos et Daphné, on déchiffre les tableaux et les poèmes, on comprend le sens de « un travail de Titan » ou « un mur cyclopéen », on peut citer des Nymphes que Zeus a séduites, des Héros modèles comme Hector …

Poussant plus loin, on s’intéresse à la symbolique de la Pomme d’Or, de Python, voire des voiles noires ou blanches ; au poids psychologique ou moral de l’histoire de Cassandre ou de Tantale, à la signification psychanalytique des mythes d’Œdipe et celui d’Electre. On en découvre les aspects historiques : le mythe de Thésée et du Labyrinthe ainsi que l’histoire du Minotaure sont des transpositions evhéméristes des relations entre la Crète et Mycènes et Athènes, celui de la Toison d’or de la quête de l’or en Colchide … et l’Iliade et l’Odyssée s’incarnent quasiment. On voit bien la différence avec les contes de fées ou les romans…

Et puis on creuse, on creuse et, si on lit autre chose que des résumés, si l’on va dans les textes grecs, et on s’aperçoit que les mythes se contredisent …, qu’il y en a de nombreuses versions, et que parfois même le même auteur se permet des variantes … Mais alors, cette tradition orale qu’on nous dit si fiable ! Cette sainte transmission à des aèdes choisis et vénérés presque comme des dieux… ?

Et on se demande en plus : « Quelle est LA mythologie établie, fiable ! Mais où est la vérité ? Les Grecs étaient donc bêtes ! Et sinon, en quoi croyaient-ils alors ?! »

Puis l’on pense qu’ils étaient aussi « intelligents » que nous, ils devaient se poser des questions ! nous comprenons que des gens puissent avoir la Foi, que ce soit en Dieu, en Khomeïni, en Ptolémée, en Galilée ou en Einstein, mais nous ne comprenons pas que la Foi puisse exister s’il y a des choses contradictoires, aberrantes, à l’intérieur même du système de cette Foi. Ils devaient donc vouloir définir quels détails étaient erronés, apocryphes, hérétiques… Quelles étaient les versions à proscrire, les théories invalidées …

On cherche alors les fautifs, les responsables, les « inventeurs » … et l’on commence à se dire « Mais d’où vient cette mythologie » et « qu’est-ce que les Grecs en faisaient … »…

C’est alors qu’intervient une réflexion sur l’archéologie car … que diront les archéologues de nos valeurs lorsqu’ils trouveront un « coq » ou le mot « Marseillaise » sur des documents, une boîte transparente avec un trou rectangulaire ou une écharpe tricolore dans un grand bâtiment avec de petites salles, un signe « plus » avec une longue hampe, un tissu avec un poisson ou du raisin et des restes abondants de bougie dans de grandes pièces avec des colonnes : que comprendront-ils des sens vitaux que nous y mettions ?

La Religion grecque antique n’existant plus en tant que telle, il n’est pas possible de la décrire à partir d’observations directes, surtout que le point le plus notable est l’absence de tout texte sacré. Aucun n’est de nature divine (ou supposée telle), aucun n’est religieux, n’énonce un dogme ni ne décrit de manière normative les rites. Il n’y a pas de catéchisme ni de profession de foi…

Il faut donc, pour la connaître, s’appuyer sur un ensemble important de sources.



Les principales sont d’ordre littéraire : il faut penser que nous sommes ici dans un processus un peu semblable à celui décrit dans

Farenheit 451

: le choix des textes recopiés manuellement est signe de leur importance extrême. ( Que restera-t-il de nos écrits dans 2600 ans … Qu’avons-nous envoyé dans la capsule interstellaire ? Qu’aurions-nous dû envoyer ?). Mais ces textes – qui n’avaient pas une visée informative pour le futur ou l’étranger-, forment un ensemble disparate de textes à visée souvent esthétique, dans lesquels sont mêlés de manière éparse des éléments de nature religieuse (comme des descriptions de rites), des Légendes et des mythes.

D’où l’importance des sources complémentaires épigraphiques et archéologiques :

Les sources épigraphiques, les plus riches et les plus fiables ; elles ne sont, en effet, pas littéraires : le style et l’originalité n’y priment donc pas, au contraire de la concision et du caractère informatif. L’épigraphie offre de multiples témoignages : calendriers religieux ; descriptions de rituels, de fêtes ; comptes de gestion de sanctuaires (nombre de sacrifices, taxes…) ; règlements d’associations religieuses (modalités d’entrée des membres, par exemple) ; dédicaces à des dieux (ce qui permet parfois d’en connaître des aspects plus rares) ; questions posées aux oracles grecs (gravées sur des plaquettes de plomb, par exemple) ; comptes rendus d’oracles, etc. L’intérêt principal de ces témoignages tient à leur statut de documents bruts : ils montrent l’aspect collectif et individuel de la religion, sans être déformés par le prisme littéraire. Leur défaut majeur est bien sûr leur caractère fragmenté et souvent isolé de tout contexte suffisant.

Les sources archéologiques provenant de fouilles de sanctuaires, qui offrent principalement : des informations sur l’architecture religieuse ; des statues de dieux ; des décors religieux sur bâtiments, vases, monnaies (sachant que chaque ville est protégée par un dieu précis, l’on peut ainsi en reconnaître des attributs plus rares), etc.

On creuse alors pour comprendre quelle était leur Foi et comment est née la mythologie, et l’on constate que les premières œuvres grecques écrites – que nous ayons aujourd’hui – sont des oeuvres où la mythologie tient une place importante sinon prépondérante.

Pour faciliter notre travail de réflexion et d’observation, car vous allez travailler aussi ! pour avoir une idée plus concrète et plus précise, nous allons nous centrer sur Apollon, et même encore plus précisément, sur les « débuts » d’Apollon, comme on dirait « les débuts d’une jeune actrice » …

Pour ne pas nous noyer ce soir, on va se limiter à quelques auteurs, nous pourrions en prendre bien d’autres… Mais cela sera suffisant pour mettre en évidence les contradictions internes ou entre eux et donc leur Foi, et la façon dont les Grecs croyaient en leurs dieux. Bien entendu la méthode est chronologique.

Nous « travaillerons » sur les quatre premiers grands auteurs : ce sont des poètes, – mais à l’époque, en dehors de l’utilitaire, seuls les poèmes nous restent de la littérature et de la réflexion écrite :

-Homère est un poète épique, qui peint et fait agir les dieux mais ne fait pas d’exposé suivi ;

– un anonyme qui a écrit le grand hymne officiel à Apollon

-Pindare est « le » poète religieux officiel de l’époque ;

-Hésiode a décidé d’écrire lui la Théogonie, soit la généalogie et la théologie basique pour ainsi dire des Grecs.

Ensuite nous étudierons 2 dramaturges qui mettent en scène des mythes ou des événements historiques récents : sur notre thème, quel parti vont-ils prendre entre les incohérences précédentes ?

– Eschyle

– Euripide, prêtre d’Asclépios, fils d’Apollon.

Puis nous choisirons 3 auteurs bien postérieurs qui ont réfléchi sur leurs dieux et sur la mythologie : ce sont des intellectuels

-Hérodote, un historien, -Strabon un historien-géographe,

-et Plutarque, un historien-philosophe et, cela tombe bien, prêtre d’ Apollon.

Cela fait donc 9 auteurs déjà, 9 seulement… mais ils vont nous permettre d’approcher avec exactitude la question posée.

A la fin de cette réflexion, nous aurons une vue plus exacte de ce qu’est pour les Grecs la mythologie grecque… et de la façon, ou les façons, dont ils s’en nourrissaient.

Faisons maintenant le bond en arrière nécessaire en nous focalisant sur Apollon…

Si on pose la question, qui est Apollon, où il est né, quel était son job et où … etc. la réponse est souvent la suivante etc.

Or que voit-on dans les premiers textes :

Dans l’ Iliade Dans l’ Iliade

, datée aujourd’hui env. du VIII°, mais qui reprend une histoire et des thèmes plus anciens, mycéniens ( XII° environ), « Homère » cherche à reproduire fidèlement une époque révolue (comme si nous écrivions aujourd’hui un roman qui se passerait au XVI° siècle).

On ne nous dit rien sur la naissance d’Apollon : c’est essentiellement un dieu archer, qui envoie des flèches aussi bien que la peste. Il est aux côtés des Troyens.

Nous laissons de côté deux ou trois passages tardifs de l’

Iliade et de l’ Odyssée

dont un qui mentionne pour la première fois le nom de Delphes

L’ Iliade et l’ Odyssée

ne se coupent jamais à ce sujet, quoique Apollon ait un rôle important dans la guerre de Troie : pas de Delphes, pas de Castalie, pas d’Apollon oraculaire, seule Pythô, ce qui signifie

Pythô la Rocheuse .

Donc ou bien les auteurs de l’

Iliade/Odyssée

ne connaissent pas cette arrivée d’ Apollon, ou elle n’a pas encore eu lieu, ou ils la connaissent et ne veulent pas en parler, ou bien, puisqu’ils se réfèrent à l’époque mycénienne, ils supposent/savent qu’on ne la connaît pas à cette époque ou qu’elle n’a pas eu lieu.

Chez Hésiode

On a un peu plus d’informations sur lui que sur Homère ( ce n’est ps difficile ! ).

Ce poète naît vers 700 av. J.C. ou encore plus tard. Il naît à Cumes en Eolide, en Asie Mineure, lui aussi comme Homère probablement, mais il vit ensuite à Ascra, près de Thèbes, en Béotie, de son domaine. ( à 80 km de Delphes. ). Il a environ 25 ans en 675 aux premiers jeux pythiques qui ont ensuite lieu tous les quatre ans et drainent beaucoup de monde.

Il peut donc bien connaître des lieux dont il est assez proche voisin et où il est connu. Il peut difficilement mentir sur son voisinage. Il souhaite écrire une somme valable sur la religion de son temps, et sur cette nouvelle génération de dieux. Et c’est ainsi qu’est considéré son ouvrage.

Or sur les deux oeuvres d’Hésiode,

Théogonie et Travaux

, jamais « Delphes » n’est mentionné, et Apollon est mentionné seulement comme «

archer »( v.14), « sire

» ( v.94), «

Apollon à l’épée d’or

» et avec Artémis archère, ces «

enfants ravissants

» (v.347) de Letô. Apollon n’est pas dit oraculaire, mais il est en lien avec les Muses.

Dans la Théogonie

, Pythô est mentionnée une seule fois, v.499, au sujet d’un objet d’un grand culte mais sans aucun rapport avec Apollon… Etrange…

Donc ou bien Hésiode ne connaît pas ce lieu de culte : impossible ! ou Apollon n’est pas encore « arrivé », ou il ne veut pas en parler…

Or archéologiquement, voilà ce que les archéologues disent :

Au XIII° siècle, existaient deux villages mycéniens qui pourraient constituer Pythô. Les statuettes retrouvées par les archéologues y sont principalement des statuettes féminines au XIII°siècle et suivants. Apollon n’y « existe » pas avant le VIII° siècle.

Les statuettes féminines sont remplacées par des masculines au IX° et VIII° siècle dans les zones fouillées et l’arrivée du culte d’Apollon sur le site de Delphes est datée archéologiquement du VIII° siècle.

Donc ou bien les auteurs de l’Iliade/Odyssée ne connaissent pas cette arrivée, ou elle n’a pas encore eu lieu, ou ils la connaissent et ne veulent pas en parler, ou bien, puisqu’ils se réfèrent à l’époque mycénienne, ils supposent/savent qu’on ne la connaît pas à cette époque ou qu’elle n’a pas eu lieu.

Les silences d’Homère et celui d’Hésiode surtout nous interpellent…

Mais voici d’autres auteurs :

L’ Hymne à Apollon Cet Hymne fait partie des Hymnes homériques

( VII° au IV° siècle) et date quant à lui d’

entre 590 et 540 av. J.-C.

Son auteur ( en fait probablement deux auteurs, mais là n’est pas notre sujet ici ) a donc sans doute connu ( au moins de réputation ) le premier temple d’Apollon supposé construit juste après la guerre de Troie, selon des « récits ». Le temple d’Apollon à Delphes a été incendié en 548, et ne fut remplacé que 30 ans plus tard en créant un énorme terre-plein. C’est une période d’activité intense sur le site d’Apollon : architecturale mais aussi de la construction intellectuelle, ou de reconstruction religieuse…

Cet hymne nous a été intégralement retranscrit : c’est un des textes religieux importants sur Apollon. Il raconte la vie d’Apollon et la fondation du culte : Lêto, enceinte par Zeus de deux jumeaux, cherche une terre où accoucher. Seule l’île encore flottante, Délos, l’accueille. Lêtô met au monde Apollon et Artémis. Apollon tout de suite grand, reçoit la capacité d’être prophète. Il se met à grande enjambées immédiatement en quête d’un lieu pour «

le premier oracle pour les hommes

», insiste le poète ( peut-être appointé pour écrire cet

Hymne ) .

Démêlés avec Thelphousa, qui l’envoie dans un lieu tranquille à ce qu’elle dit, Krisa, qui semble encore vierge de toute présence humaine.

Apollon y fonde sans aucun problème, nous dit l’auteur, son temple en terrain semble-t-il vierge, et commence tout de suite à prophétiser. Puis l’auteur situe ce temple par rapport à une fontaine anonyme près de laquelle habite une «

drakaina

» très méchante envers les hommes : dragon au féminin, « dragonne » si on nous permet et s’en suivent plusieurs pages de digression sur ce combat : la dragonne est tuée. Apollon lui ordonne de pourrir, d’où le nom Pythô. Après quoi il va se chercher des prêtres sur un bateau crétois sous la forme d’un dauphin : ce qui explique le surnom de

delphinios

et donc le nom de Delphes ( qui devrait supplanter le nom de

Pythô ).

Une autre partie du même

Hymne

raconte, chose surprenante pour nous, une autre version de l’arrivée d’Apollon adulte à Delphes, et sans combat…

L’auteur, les auteurs mêmes, de l’

Hymne

se différencient donc largement d’Homère et d’Hésiode, des auteurs révérés pourtant. La tolérance sur ces opinions est de règle ( même à l’intérieur d’une même pièce : comme il y a quatre évangiles … ). La création littéraire est permise et même encouragée… Cet

Hymne

et ses récits ont été très utilisés dans les rites et les prières.

L’ensemble de ces remarques signifie beaucoup sur les conceptions des Grecs au sujet des récits que nous, maintenant, appelons mythes, ainsi que sur leur pratique religieuse.

Eschyle ( 525-456 av. J.-C.)

Cet auteur tragique vécut 250 ans après Hésiode. Il est né à Eleusis, et avait environ 6 ou 7 ans lors de l’effondrement du temple précédent : il ne l’a peut-être pas vu , mais l’a sans doute vu reconstruire car il avait 20 ans quand les travaux furent finis.

Il a sans doute visité Delphes plusieurs fois : ses pièces y ont été jouées. Il a sans doute connu ou entendu parler de la bataille contre les Perses, que Zeus et Apollon ont repoussés par une chute de pierres au niveau de Marmaria, avec l’aide d’Autonoos et de Phylacos.

Il s’oppose vivement à l’

Hymne homérique

qui le précède d’un siècle à peu près :

Dans Les Euménides

, qui se passe précisément à Delphes même, il traite du sujet sensible de l’installation d’Apollon à Delphes. Au premier vers, dans une prière, la Pythie elle-même raconte solennellement la prise de possession de Delphes par Apollon, (vers 1 à 19) :

«

Avant tous les dieux, je veux prier et vénérer la première prophétesse, la Terre ; après elle, Thémis, qui, dit-on, s’assit après sa mère sur ce siège prophétique ; en troisième lieu, de l’aveu de Thémis, et sans recourir à la violence, une autre Titanide, fille de la Terre, Phoibé, s’y assit à son tour. C’est d’elle que Phoibos le reçut en présent à sa naissance. Phoibos, ayant abandonné le lac et la croupe rocheuse de Délos, aborda au rivage de Pallas ( près de Marathon)

[1]

, fréquenté des nochers, puis vint en ce pays s’établir au Parnasse. Les enfants d’Héphaistos lui font escorte avec une pieuse déférence et lui frayent la route, en adoucissant la terre sauvage. A son arrivée, il est accueilli avec de grands honneurs par le peuple et par son roi, Delphos, pilote de ce pays. Zeus ayant rempli son coeur d’une science divine, l’assit, lui quatrième sur ce trône prophétique, et Loxias est aujourd’hui le prophète de Zeus son père.

»

Eschyle montre que cette transmission s’est faite librement et harmonieusement.

Cependant, on peut s’interroger sur ce tableau idyllique.

Bien sûr, la Pythie/Eschyle affirme, pour se couvrir, que cela vient de « λογοις », ( = récits, discours ), «

comme l’affirme un récit

»….

Ces considérations sur les sources de l’auteur ne sont pas un thème habituel dans une pièce de théâtre…mais plutôt propres à un mythologue.

Cette expression très vague trahit des discussions et divergences sûrement sur l’histoire d’Apollon sur le site. Or il laisse anonyme ses sources. Quels récits ? pas la

Théogonie

en tout cas ! Ce n’est pas non plus l’

Hymne à Apollon

( qui est pourtant un hymne quasi officiel à Apollon).

En fait ce texte pose beaucoup de questions et trahit une vérité.

Eschyle semble proposer une nouvelle version, dans son désir d’éduquer, d’élever ses compatriotes, grâce à une religion civilisatrice. Il veut présenter des modèles divins et humains qui, dès le début, font les choses légalement. Politiquement, ces vers incitent les Grecs à s’unir autour de ce dieu si puissant en « reconstruisant » les souvenirs des luttes qui ont existé.

Eschyle souhaite se rallier l’ensemble de son public : Grecs, Athéniens, habitants de Delphes et clergé d’Apollon, se sont sentis reconnus. Il reconnaît aussi l’existence de l’ancien culte même s’il est ou doit être dépassé. Du coup, il commence sa pièce, dès le premier vers, précisément par le sujet dont il ne faut plus parler et par le nom tabou : la présence primitive dont paradoxalement, il nous dévoile le nom : la Terre, Gaïa. ( Les traces archéologiques que nous aurions de ce culte ne font pas du tout consensus, mais leur absence, vu la typologie du site et les fouilles menées, n’est pas une véritable preuve dans l’autre sens non plus) .

Pindare (520-445 av. J.-C.)

Ce poète est né près de Thèbes en Béotie, étudie à Athènes, vit en Sicile. Il a vraisemblablement connu Delphes et la construction du fameux temple des Alcméonides ( 514-513 et 506-505), érigé avec 6000 m3 de remblai…

Pindare est un poète officiel qui chante les vainqueurs des jeux.

Peu de choses sur Apollon prophète… mais il lâche dans

Pyth. XI 9-10 : «

de la sainte Thémis et de Pythô et du nombril de la terre à la justice droite

. » ( Il reste à définir ce qui est nommé ici omphalos : la recherche est en cours )

Quatre textes de Pindare nous permettent de surprendre la manière dont les récits, que nous appelons mythes, se fabriquaient.

Il parle à trois endroits de Néoptolème , mais dans 2

hymnes on voit comment il

adoucit diplomatiquement l’histoire : on voit bien qu’il cherche avant tout à plaire à ses commanditaires. C’est un poète appointé.

Autre exemple : dans la deuxième partie de la

Première Olympique,


il doit faire l’éloge de la famille d’un vainqueur des jeux qui est un descendant de Tantale…L’épisode mythologique traditionnel rapporte comment, ayant voulu tester la sagacité des dieux, Tantale les invita à un repas au cours duquel il leur servit son propre fils en ragoût. Déméter seule en mangea une épaule, sans se rendre compte de l’ignominie de son acte. Cet épisode est problématique : il présente une déesse abusée et cannibale… Le poète raconte donc une autre version du mythe, précisant que les autres sont mensongères et blasphématoires : Tantale aurait invité les dieux à un repas de bonne tenue ; Poséidon, cependant, tombé amoureux du jeune Pélops, l’aurait enlevé et, devant l’absence du jeune homme, un voisin jaloux de Tantale l’aurait calomnié en disant que, justement, si Pélops était introuvable, c’est que son propre père l’aurait servi aux dieux. Pindare indique ici clairement qu’il rejette les versions antérieures à la sienne : Ἐμοὶ δ’ ἄπορα γαστρίμαργον μακάρων τιν’ εἰπεῖν. Ἀφίσταμαι

Il m’est impossible d’appeler « glouton » quelque immortel que ce soit. Je m’y refuse

»).

Pindare explique donc la manière dont il écrit et crée : tout à fait comme nos propres auteurs contemporains, mais ici c’est en matière religieuse.

Hérodote 485-425 av J.C.

C’est un historien géographe très sérieux. Mais il s’intéresse peu à Delphes. En tout cas, selon lui, la Pythie n’a pas d’extases du tout quand elle rend ses oracles

[2] .

Il rejoint dans sa réflexion de nombreux autres auteurs philosophes, historiens etc.

«

Quelle est l’origine de chacun de ces dieux? Ont-ils toujours existé ? Quelles formes avaient-ils? Voilà ce que les Grecs ignoraient hier encore pour ainsi dire. Car Hésiode et Homère ont vécu, je pense, 400 ans tout au plus avant moi ; or ce sont leurs poèmes qui ont donné aux Grecs la généalogie des dieux et leurs appellations, distingué les fonctions et les honneurs qui appartiennent à chacun, et décrit leurs figures

» [3]

. En fait ce n’est même pas 300 ans…

On aurait été mis au bûcher pour moins que cela au XVI° siècle !

Euripide 480-406 av JC

Cet auteur tragique, quoique prêtre d’Asclépios, ou parce que Asclépios est fils d’Apollon, reconnaît dans plusieurs de ses pièces la valeur de l’oracle de Delphes, mais de façon contradictoire avec Pindare et avec Eschyle.

Comme dans l’ Hymne homérique

, il y a lutte «

là où un dragon

[4]

couleur de vin, au dos tacheté,… par une quasi-cuirasse en laurier touffu, monstre énorme de la terre, gardait de tous ses yeux l’oracle chtonien.

»

Dragon et oracle chtonien sont d’emblée ennemi et proie pour l’enfant, mais il y a ellipse de la cause :

«

Encore enfant, encore bondissant sur les bras serrés de ta mère, tu l’as tué, o Phoibos, et tu t’es emparé des oracles divins, tu es assis sur le trépied d’or sur le trône véridique.

»

Mais Apollon ayant tué le monstre, la guerre n’est pas finie : «

Comme il avait renvoyé Thémis, l’enfant de la Terre, loin des sanctuaires oraculaires divins de Pythô, le Sol enfanta des visions nocturnes de songes qui disaient, dans/selon les lits obscurs du sommeil, les choses premières, le futur proche et le futur, pour de nombreux mortels, et la Terre enleva l’honneur des divinations à Phoibos, pour venger sa fille.

»

Alors Apollon va demander secours à Zeus : il lui demande d’ «

enlever la colère chtonienne de la déesse des demeures Pythiennes, et les paroles divines nocturnes

» et Zeus acquiesce.

Cet endroit a donc été très âprement disputé entre deux divinités et deux types d’oracle.

Les oublis d’Homère et la généalogie « orientée » d’Hésiode qui n’acceptait pas d’inscrire un nouveau dieu, un dieu étranger, dans le panthéon grec qu’il bâtissait a donc été « rectifiée » : Comme grâce à une photo truquée, il est inscrit dans le groupe des nouveaux dieux. La Terre est niée, classée dans les dieux appartenant à un passé rétrograde en comparaison de l’Apollon lumineux. C’en est également fini de la dyade Mère-fils.

L’ Hymne Homérique

avait présenté une forme anonyme et symbolique d’une dragonne «

cruelle » «

qui faisait tant de mal aux hommes et à leurs bêtes…

» et rendait les lieux déserts… Euripide ose parler clairement et sans complexe désormais de l’ancien oracle chtonien : il est légitime de leur faire la guerre et on peut être heureux qu’ils aient été carrément vaincus par la volonté de Zeus et de son fils. La mantique du « soleil » triomphe.

Pour chacun à s façon, (l’

Hymne

, Eschyle et Euripide), les valeurs de Lumière, de Raison peut-être même doivent prévaloir pour les hommes dont la nouvelle génération des dieux sont réputés vouloir avant tout le bonheur, grâce aux valeurs mises en place par la civilisation grecque d’alors.

Informations sur le contexte du IVème siècle

Aux environs du IVe siècle ont sans doute eu lieu des événements qui ont modifié progressivement et de façon de plus en plus visibles certains des éléments du site : les conséquences se sont fait sentir sur les eaux de Castalie et sur d’autres particularités du lieu, gorge de Castalie comprise. Il a peut-être changé des propriétés physiques connues de tous, et par lesquelles était censé s’exprimer le dieu. ( cf. les écrits de Plutarque, prêtre d’Apollon)

Tuyauteries et amenées d’eau souvent souterraines autour du temple seront sans doute nécessaires plus que jamais pour conserver les rites, le mystère et le pouvoir.

Mais le culte devient peu à peu moins fervent car la Pythie prophétise moins bien … selon les contemporains.

Ce n’est peut-être pas tout à fait une coïncidence, si 18 ans après la date où le temple d’Apollon de Delphes a dû être remplacé par un autre (après un glissement de terrain ?) et en pleine reconstruction de celui-ci, Séleucos 1° (355-280), sur l’ordre dit-on de l’oracle d’Apollon à Didyme, doit fonder un autre lieu de culte apollinien, également oraculaire ou divinatoire, auprès d’une nouvelle source Castalie… mais dans le faubourg d’Antioche, une de ses villes les plus importantes.

Finalement, on aboutit donc pour le moment, à 5 versions :

Version 1 Hymnes homériques

: Quand Apollon établit son sanctuaire et son oracle à Pythô, il commbattit et tua un serpent femelle qui dévastait le pays. Elle fut parfois appelée Delphynè par des écrivains tardifs. (Se rappeler toutefois que le féminin peut n’être utilisé que pour le féminin tandis que le masculin va pour les deux parfois.)

Version 2

de Simonides, Apollodoros, Aelian, Ovide et beaucoup d’autres : Apollon arriva à Delphes et rencontra le dragon Python qui gardait le sanctuaire de Ge ou Themis. Python l’attaqua ou chercha à l’empêcher d’approcher d’un précipice ou trou sacré, où Apollon le combattit et le tua après un combat difficile dans lequel il utilisa beaucoup de flêches, et il s’empara ainsi du sanctuaire.

Version 3

d’Euripide, Klearchos et d’autres : Quand Léto donna naissance à Apollon à Delos, elle porta le dieu enfant dans ses bras à Delphes, où le dragon Python la vit et l’attaqua. Le bébé sauva sa mère en envoyant des flèches sur Python depuis ses bras. Parfois, Artémis enfant est associée avec Apollon.

Version 4

de Lucanus, Lucian, Hyginius, et leurs commentateurs : Héra ordonna à Python de poursuivre Léto enceinte et de la détruire avec ses enfants. Létô trouva refuge à Délos. Plus tard, Apollon alla à Delphes et régla son compte à Python.

Version 5

d’Ephore et Pausanias : Les Delphiens requérirent l’aide d’Apollon contre le brigand Python ou Drakon, qui ravageait le pays. Apollon le combattit et le tua.

Strabon 63 av-19 ap. J.-C.,

Géographe, grand voyageur, Strabon passe à Delphes en archéologue, pour visiter un lieu qui s’endort depuis 3 siècles environ.

Ce lieu l’intéresse avant tout comme lieu de culte, et, à ce propos, Strabon donne de nombreuses indications et un témoignage involontaire des disputes à propos de la religion et de la mythologie en Grèce.

«

Delphes doit sa renommée au sanctuaire d’Apollon Pythien et à son oracle qui remonte à une époque reculée, s’il est vrai, comme le dit le poète, qu’Agamemnon le consulta à Pythô

».

Cette façon de parler est commentée ainsi dans

Die fragmente des Grieschichen Historiker

, par Jacoby. Fragmente Graeschiche Historik

,70,F,31 b : « Strabon transmet une tradition mais du bout des lèvres… »

Ce passage de l’

Iliade

cité par Strabon est effectivement considéré désormais comme tardif par la critique linguistique moderne également.

Visiblement, Strabon est agacé par le pneuma de la Pythie et tous ces mystères, d’autant que le culte est en baisse et que sa propre Foi réside en un dieu Apollon bien éloigné d’un dieu diminué jusqu’à la taille humaine.

Strabon n’accepte pas l’étymologie de Pythô pourtant à la gloire d’Apollon ( « pourris ! » ), parce qu’elle lui semble « folklorique » et infantile, mais préfère l’étymologie « s’informer », bien plus digne de la puissance oraculaire du dieu.

Il préfère encore qu’on dise que le chant du Septerion traduit que le dieu a dû combattre un véritable dragon IX 3 20, au masculin, plutôt que d’entendre ces récits trop humanisés qui insistent sur l’ambiance de combat qu’Apollon aurait été obligé, lui un dieu, de mener pour s’imposer et conquérir le site.

Devant toutes ces contradictions, Strabon, historien, cherche à s’expliquer : au chapitre IX 3 11, il annonce sa source d’informations : Ephore, mais lui reproche aussitôt de ne pas être cohérent au point de vue religieux.

En effet, dit-il, d’habitude Ephore dit la vérité mais il est dans l’erreur probablement quand il rapporte d’après l’opinion générale, que c’est Apollon, assisté d’une simple femme nommée Thémis, qui a fondé l’oracle avec l’intention d’être

utile à l’espèce humaine

. Il aurait créé l’oracle pour favoriser l’adoucissement des moeurs, des conduites mieux réglées, donner des prescriptions et interdictions pour aider les hommes. Strabon refuse ce qu’Ephore accepte ici implicitement : il semble impossible à Strabon – c’est dire sa Foi ! – qu’Apollon n’ait pas été le premier sur le site…

Il ajoute qu’Ephore dit aussi qu’Apollon, parti d’Athènes, a tué Tityos, homme violent et injuste, et un autre homme «

nommé Python, et surnommé le Dragon »

, avec un arc. Puis que

« la baraque de Python fut incendiée aussi par les Delphiens à la façon du feu de joie qu’ils en font encore de nos jours, en souvenir de ce qui s’est passé cette fois-là. »

Ces aventures, transmises pourtant par Ephore, semblent à Strabon incroyables et même blasphématoires, et il se révolte : «

Y aurait-il une chose à l’aspect plus mensonger qu’un Apollon tirant à l’arc, tuant des Tityos et des Pythons, cheminant d’Athènes à Delphes, et parcourant toute la terre? Si Ephore ne tenait pas ces récits pour des mensonges, pourquoi a-t-il fallu qu’il appelle la Thémis évoquée dans les mythes « une femme », et le dragon évoqué dans les mythe « un homme », excepté s’il voulait amalgamer le genre historique avec le genre mythologique ?

» [5]

Ces discussions sont étonnamment modernes et rappellent par exemple les discussions actuelles autour du linceul de Turin, du Big Bang, ou de la NDE.

Strabon a donc une foi ardente dans un Apollon beaucoup plus abstrait, et rappelle les légendes antérieures pour les discréditer : il n’y voit plus le sens symbolique ou historique.

Plutarque 46-120 ap. J.-C.

C’est un homme vraiment du coin : il est né à Chéronée, près de Thèbes en Béotie, et mort en Grèce

.

Etudiant en sciences et philosophie platonicienne, voyageur, magistrat municipal à Chéronée, non loin de Delphes, prêtre d’Apollon à Delphes à la fin de sa vie, il a une idée très élevée d’Apollon. Quoique prêtre dans un temple encore debout et impressionnant, il vit le déclin de l’oracle, qui semble en voie de disparition depuis longtemps, et se pose des problèmes théologiques sur les raisons de la désaffection d’Apollon pour ce site ou de son impuissance à cet endroit.

Première attitude de Plutarque

: il rapporte, pourtant à son corps défendant, des détails sur Apollon qui lui semblent inconvenants pour son dieu, mais il les rapporte néanmoins et cherche à en démontrer la fausseté.

Tout d’abord, une naissance d’Apollon (

Pelopidas

: XVI 5-7) : il informe ses auditeurs que les Tégyriens ont ( à 150 km de Delphes, au bord du Copaïs) un petit temple et un oracle abandonné depuis peu mais qui fonctionnait encore au moment des guerres médiques, ( 490-479 env.) avec le prophète Echécrate. «

On raconte que là naquit Apollon

» : à preuve pour les Tégyriens, la plus proche montagne s’appelle Délos, et les deux ruisseau le Palmier et l’Olivier, donc la déesse Léto aurait accouché là entre deux ruisseaux et non entre ces deux arbres de l’île de Délos.

Il rapporte à son corps défendant, une aventure de l’enfant Apollon qui serait à l’ origine du culte du Ptoion, l’adjectif venant du fait qu’un sanglier effraya là ( le verbe grec semble être de la même racine effectivement que le nom de la montagne : mais c’est toute la question des étymologies de noms de lieux !! ) sa mère Léto enceinte…

Il donne aussi des détails sur le trajet d’Apollon du Ptoion à Delphes et affirme que les lieux évoqués pour les meurtres de Python et Tytios s’accordent avec ces endroits entre Tégyres, le Ptoion et Delphes.

Deuxième attitude de Plutarque

: il refuse des traditions habituelles ( celles de l’Hymne à Apollon, celles d’Eschyle ou d’Euripide…)

Tout d’abord, il refuse vivement

[6]

l’étymologie de « pourrir » pour Pythô, qui authentifierait l’histoire de la « dragonne » près de Castalie.

Il a aussi la même réaction dans

De defectu oraculorum

( 409a-438 d) : il rapporte la tradition de la « dragonne femelle »

[7]

mais c’est pour chercher à démontrer que l’oracle d’Apollon n’a en fait été précédé par aucun autre oracle et que le lieu était désert par nature auparavant :

« De même l’oracle d’ici…fut rendu longtemps, dit-on, désert et inabordable par un farouche dragon femelle… Or ceux qui racontent cette histoire se trompent en prenant l’effet pour la cause, car c’est la solitude qui avait attiré la bête, et non pas la bête qui avait créé la solitude. »

( 414 A-B ) Plutarque ne nie même plus ici la présence d’un dragon femelle, niant seulement que ce dragon femelle ait pu désoler la contrée. Lapsus de sa part ( ! ) ou maladresse de raisonnement ?

Ce dragon dont il accepte ici la présence s’oppose à un autre récit où c’est une chèvre et un berger qui découvrent le pneuma… et donc la possibilité de prophétiser.

Enfin, chose bizarre, voire anormale ou même hérétique pour un prêtre de Delphes, il refuse la fête la plus importante d’Apollon, le S(t)epterion, qui commémorait la lutte d’Apollon contre le/la dragon(ne), avec le fameux cri : Ie, Péan… et les Hymnes parce que faisant la part trop belle au dragon ou à sa valeur symbolique…

Il montre avec satisfaction les contradictions des mythes populaires : il insiste sur le fait que, lors du Stepterion, on met le feu à une cabane en criant que c’est la hutte de Python, alors qu’il ne

« s’agit pas d’une caverne de serpent »

et que néanmoins

« la hutte n’en est pas moins dénommée de Python »

.

Il refuse également, pour les mêmes raisons, la croyance communément admise qu’Apollon ait reçu une «

punition

» à cause du meurtre de Python : cette punition donnait lieu à une grande fête et à des rites importants : en effet, cette punition était censée avoir eu lieu à Tempé où Apollon aurait gardé 7 ans les troupeaux d’un roi local, et c’est aussi de là que le jeune et la procession rapportaient en grande fête le laurier utilisé à Delphes… ( une grande quantité donc ?! ).

En fait, Plutarque, tel un théologien moderne, refuse les rites et les histoires populaires qui lui semblent des enfantillages. ( P

élopidas

XVI ) : l’humanisation, parfois même la ridiculisation ou le pathétique de la situation des dieux dans certains mythes le hérissent. ; il laisse de côté, car il les méprise, la plupart des preuves données par les Tégyriens ou d’autres sur ces histoires et historiettes car elles sont nulles et non avenues puisque assurément fausses : Plutarque semble négliger que ce sont les opinions de l’

Hymne Homérique

, d’Eschyle ou d’Euripide…( même s’ils se contredisent entre eux).

De Defectu Oraculorum, p.119, il soutient que les aventures des dieux et leurs défauts sont réservées aux « démons », ou qu’elles sont racontées par des guides touristiques qui cherchent le pittoresque pour les visiteurs. Ainsi, selon lui, Eschyle lui-même a tort quand il dit qu’Apollon a été banni du ciel !



Troisième attitude de Plutarque

: il affirme sa position théologique qui explique son point de vue :

Premier point important : la découverte de l’oracle s’est fait selon lui, d’une manière que nous n’avons encore rencontrée chez aucun auteur : une chèvre devenue un peu fofolle, puis un berger, tombé ( mais on ne sait où : sans doute n’a-t-il pas besoin de le préciser parce que tout le monde le sait et qu’il n’a pas besoin de le dire ! ) et respirant le pneuma par hasard, devient capable de prophétiser : les Delphiens attribuent ensuite à Apollon l’intention de leur délivrer des oracles grâce aux propriétés du site et installent une prophétesse, la Pythie. (ch. 15, 21, et 46).

D’où l’étymologie qu’il affirme pour «

Pythien

» est la parenté avec «

s’informer » ( punthanomai ).

Deuxième point conséquence du premier : il explique le déclin de l’oracle par des changements géographiques et hydrologiques. Il pense que les eaux et surtout le pneuma induisaient la transe prophétique chez le berger Corètas comme chez les Pythies … et que les conditions géographiques( sol, air, eau ) dont se servait le dieu peuvent avoir changé, – ce qui pose d’ailleurs, tragiquement, aux fidèles inquiets ou déçus un problème théologique aigu…

Troisième point : Plutarque dit que les éléments sortent les uns des autres en progrès : la terre, l’eau, l’air, le feu. La terre et l’eau lui semblent donc moins proches du divin que le Soleil. C’est «

l’ascension propre à la matière

». Il affirme qu’Apollon est supérieur au soleil, avec lequel il ne faut surtout pas le confondre. 119-120,126, 127, 153-61. Sa conception élevée d’Apollon, quasi désincarné, est celle d’un Apollon qui n’est pas un démon devenu dieu par ses vertus, comme Héraclès et Dionysos, mais un des dieux éternels et non engendrés : Oniromancie,

De Sera Num

. Vind. 28 ( Mor 566 L.C.). Cette position est à comparer avec celle d’Hérodote qui a foi en Phoibos-Apollon et déteste les récits qui humanisent Apollon, mais croit dur comme fer dans la lutte contre un vrai dragon par exemple, ce que Plutarque lui par contre, appelle des attrape-nigauds pour touristes.

Enfin, prêtre de Delphes, il manifeste une volonté de faire silence sur des éléments en sa possession ou qui le gênent, en particulier, c’est évident, la période précédant Apollon ou le mode de son installation.

Malgré tous ses efforts, on trouverait encore bien d’autres points où il est lui-même incohérent ou mutique.

A qui donc Plutarque se réfère-t-il pour ces changements mythologiques ?

En tout cas pas à Homère qui ne connaît ni Apollon oraculaire ni Delphes, ni à Hésiode qui ne le connaît pas du tout, ni aux auteurs qui ont décrit un Apollon trop humanisé, ou des mythologies historisantes selon les termes de Strabon…

Mais il lui échappe un aveu : ces historiettes sont très anciennes : «

l’oracle d’ici qui occupe le premier rang à la fois par l’ancienneté et par la renommée

» ( 414 A-B De defectu oraculorum) … Il les date sans faire exprès :

De oraculis Pythiae

: l’oeuvre la plus tardive des trois, et la plus croyante disent certains : 65-66-67 ; ch 29 «

à Delphes, une gloire vieille de 1 000 ans…

» Mille ans nous font remonter à moins 900 ans avant Jésus-Christ, c’est à dire à l’avant-Apollon, et au temps des statuettes féminines et de l’apparition des masculines retrouvées à Marmaria et dans la zone du temple ).

Plutarque affirme pourtant que son avis est fidèle à celui d’autres : «

s’il faut en croire sur de si grands sujets, ce qu’en disent les hommes les plus sensés et les plus anciens.

» mais qu’il ne nomme pas… Oniromancie :

De Sera Num

. Vind 28 ( Mor 566 L.C.)

Qui sont donc ces hommes les plus sages et les plus anciens ? En tout cas des hommes qui refusent tout ce qui concerne un lieu d’oniromancie antérieur à Apollon lié à la gorge de Castalie…( donc pas les autres ! )

Dans quel but Plutarque rebâtit-il ainsi une mythologie ?

On constate que Plutarque refuse ces mythes pittoresques et les rites bizarres qui s’ensuivent. De même tous ceux qui ont une idée élevée d’Apollon, un Apollon incréé et éternel : sans doute le clergé de Delphes, les initiés, les théologiens les plus intellectuels. Ils trouvent cette Foi (abstraite) bien plus plausible que les histoires et historiettes mythologiques locales et contradictoires… qui impliquent la présence d’un oracle passant par une femme, la Pythie, rites autour du laurier, de l’eau, du pneuma, adyton, etc. Ce refus pourrait expliquer aussi ce qu’il est le seul à mentionner : l’aventure de Corètas, qui s’oppose quasiment terme à terme aux premiers récits ( Terre/Sous-Sol/Noir/Eau/femme).

Ces éléments, incorporés pourtant, pourraient relever en réalité du culte primitif : ces fêtes, ces jeux, cette quête, ces récits, seraient les traces ( irrépressibles mais à effacer constamment) de combats pour déloger une divinité antérieure.

Ils proviennent peut-être d’une sorte de traité de paix, de transaction, de compensation, voire d’expiation, après une guerre de religion : on parlerait aujourd’hui d’assimilation, d’inculturation.

Il est possible que dans une guerre de religion, le vainqueur, intelligent et voyant à long terme, doive aussi faire preuve de mansuétude, voire de regrets, de compréhension ou d’admiration pour le vaincu de manière à mieux se le concilier définitivement.

Des rites syncrétiques peuvent permettre un ancrage rapidement plus profond.

Cependant, un changement brutal accompli seulement par une minorité se heurterait à la résistance consciente des partisans de l’ancien culte et la mémoire collective archétypale s’opposerait à l’oubli.

De façon presque psychanalytique, la mémoire inconsciente joue, en particulier lorsqu’il s’agit de souvenirs sans cesse actualisés et rafraîchis par des lieux où la symbolique visible saute aux yeux, comme ici en particulier, ( grotte, sources) et donne naissance à des toponymes liés à des configurations particulières.

On sait que Plutarque et sa femme étaient des Initiés. Il y a de fortes chances qu’il connaisse sans doute également les traditions ou même des secrets sur les tout-débuts du culte ou sur le culte d’alors. Il aurait été cohérent qu’il cherche à dissimuler si par exemple un culte proto-historique ( d’avant l’ écriture), avait existé, remontant aux Ages obscurs ou avant, rendu à des divinités de première génération ( ce que racontent des traditions que nous avons vues ) . Il pourrit avoir cherché à dissimuler qu’il existait un oracle plus ancien, qu’Apollon a conquis par des « meurtres »…

Plutarque avait bien des raisons de s’opposer à ce souvenir ou à cette tradition, vraie ou fausse, qui pouvait à son tour recouvrir des faits exacts ou faux.

Entre autres deux :

ces luttes d’influence lui semblent incompatibles avec la dignité d’Apollon : la question des « débuts » d’Apollon sur ce site ne doit pas être posée, sous peine de blasphème

mais surtout, si Gê est morte, alors Apollon aussi peut mourir : Plutarque se/nous pose ainsi la question de la fin de l’oracle, de sa légitimité, …et de l’existence même de son dieu…

Conclusion

1 Conclusions sur la mythologie liée à ce site et les débuts d’Apollon

L’Histoire complexe du vécu humain sur ce site, les combats, divisions ou discussions qui se le partagèrent, expliquent les survivances, les incohérences, et les (im)précisions sans cesses recommencées à propos de la mythologie concernant les dieux locaux.

Observons les grandes différences avec le culte d’Apollon à la Daphnè d’Antioche : terrain sans doute vierge, toute neuve, elle ne connaît pas ces guerres qu’Apollon mène pour se conquérir une identité et un temple à Delphes ; elle ne suscite pas ces disputes de théologiens ou de scientifiques, d’étymologistes de l’Antiquité ou de prêtres contre les guides touristiques populaires, et enfin elle n’entretient pas de Pythie en transe, pas de pierres vénérées venues de l’ailleurs, pas de rites étranges venant d’un passé lointain …

Le lieu de Pythô/Delphes est très marqué physiquement, il est source de discordes entre Homère, Hésiode, Hérodote, Eschyle, Euripide, Strabon, etc. et oblige Plutarque au silence ou à l’incohérence.

A cette diversité d’opinion concernant les mythes sur les débuts d’Apollon, nous pouvons mesurer la liberté de penser, de croire et d’écrire des Grecs…

2 conclusion générale

Comme aujourd’hui, la croyance des intellectuels n’était pas celle des simples, celle des humbles, pas celle des puissants, celle des pacifistes pas celle des combatifs etc., ce qui explique en grande part les différences de récit et d’appréciation dans la mythologie et la théologie.. ( Nous , nous les avons gommées pour simplifier ! )

L.’exégèse, le rationalisme, la recherche, les synopses permettaient déjà d’aiguiser la réflexion scientifique, philosophique, historique et religieuse sur les mythes, pour tous ceux qui le voulaient : ils étaient plus ou moins intelligents sur leur foi et leur scepticisme, comme nous…

Les réflexions des Grecs sur leurs dieux et leur Foi nous font réfléchir sur la façon dont les grecs « croient « dans ces mythes.

A l’époque, dans ce pays, vérité (scientifique ) et fabulation n’ont pas le même sens qu’aujourd’hui… La Foi et la Vérité non plus sans doute.

La religion grecque ne s’appuie sur aucune révélation. La cité grecque ne connaît ni « Eglise » ni dogme. La liberté de pensée était donc très grande : la seule limite était si l’on avait peur de la colère de ces dieux ou de la mort. La Foi était donc une chose, mais la pratique religieuse, elle, était répandue comme un ciment socialisant et éduquant les citoyens. Les obligations de la communauté concernent d’abord le respect de la tradition ancestrale. Celles de l’individu sont multiformes et libres. La piété, à cette époque, n’est pas tellement l’expression d’un sentiment de relation intime avec une divinité ; elle n’est pas non plus seulement l’observation scrupuleuse et stricte des rites prescrits. Être pieux, c’est croire en l’efficacité du système de représentations mis en place par la cité pour organiser les rapports entre les hommes et les dieux, et aussi y participer activement…

Par opposition avec l’attention aux rites, on trouve une grande liberté de pensée vis-à-vis de la mythologie : cette grande liberté de pensée est pratiquée ouvertement.

La religion grecque n’est pas comme nos religions qui demandent un minimum de rationnel et d’univocité à l’intérieur de chacune :

-les auteurs grecs peuvent donner naissance à des dieux : ils en ont le droit,

-leurs dires deviennent articles de foi si et pour autant qu’un consensus populaire suive

-les Grecs avaient toutes sortes de modes de croire, ( de même qu’à notre époque) … jusqu’à l’athéisme.

Marguerite Champeaux-Rousselot Plan

Apollon, quels mythes !

… Mais au fait, les Grecs croyaient-ils à la Mythologie grecque?

Essai de reconstitution de la naissance d’un dieu et de son vécu par les humains à travers les textes antiques grecs et latins,

Problématique Question provocatrice…

« La Mythologie grecque ? Des bobards pour les touristes et les naïfs ! » s’exclamait –à peu près- un prêtre grec d’Apollon.

Mais alors que pensaient les Grecs de leur Mythologie ? Y croyaient-ils ? Au fond, quelle était leur Foi ?

Si les Grecs se demandaient si leurs dieux ont toujours existé, croyaient-ils en la mythologie ? Croyaient-ils aux dieux ?

Et, au fond, cet exemple pourrait-il nous aider à comprendre sur quoi et comment se fondait, à l’époque, une religion ?

Méthodologie

Notre enquête se limitera aux origines de la mythologie grecque et se fondera sur des exemples très concrets tirés de l’Archéologie, des sites et des textes… : le cas que nous étudierons concerne les récits au sujet de l’arrivée d’Apollon à Delphes.

L’Iliade

, datée aujourd’hui du VIII°, qui reprend des thèmes du XII° environ : « Homère »

Hésiode

naît vers 700 av. J.-C. ou encore plus tard.

L’auteur anonyme de l’Hymne à Apollon, entre 590 et 540 av. J.-C.

Eschyle

525-456 av. J.-C., 250 ans après Hésiode

Pindare, 520-445 av. J.-C.,

né près de Thèbes en Béotie : Ἐμοὶ δ’ ἄπορα γαστρίμαργον μακάρων τιν’ εἰπεῖν. Ἀφίσταμαι

Il m’est impossible d’appeler « glouton » quelque immortel que ce soit. Je m’y refuse

»).

Hérodote 485-425 av J.-C.

C’est un historien géographe très sérieux.

«

Quelle est l’origine de chacun de ces dieux? Ont-ils toujours existé ? Quelles formes avaient-ils? Voilà ce que les Grecs ignoraient hier encore pour ainsi dire. Car Hésiode et Homère ont vécu, je pense, 400 ans tout au plus avant moi ; or ce sont leurs poèmes qui ont donné aux Grecs la généalogie des dieux et leurs appellations, distingué les fonctions et les honneurs qui appartiennent à chacun, et décrit leurs figures

» (II 53).

Euripide 480-406 av J.-C,

373 av J.-C, le temple de Delphes s’effondre en partie et doit être reconstruit

18 ans après

: un autre lieu de culte apollinien oraculaire à Daphnè d’Antioche.

En 300 avant J.-C. env. on aboutit à au moins 5 versions

Strabon 63 av-19 ap. J.-C.,

géographe, grand voyageur,

Plutarque, 46-120 ap. J.-C.

Etudiant en sciences et philosophie, voyageur, magistrat municipal non loin de Delphes, prêtre d’Apollon à Delphes à la fin de sa vie

Conclusions

Sur la mythologie liée à ce site et les débuts d’Apollon

Conclusion générale

Cette conférence, organisée par l’Association Franco-Hellénique de Corrèze a été donnée à Brive le 28 septembre 2007.

http://assocfrancohellenique19.over-blog.com/pages/Le_28_septembre_2007_Les_Grecs_croyaientils_a_la_Mythologie_grecque-513391.html

C’est ici une version courte d’un texte plus long qui également sera mis en ligne avec les citations en grec et s’intitulera : «

Les Grecs croyaient-ils à la Mythologie grecque ? »

. [1]

vérifier la parenthèse. en fait c’est Athènes

[2]

I 65 ; V 92 B ; I 150 155 ; V 6 ; VI 19 ; V 63 90 ; VI 66 75 ; VII 141 ; I 91 : pas forcément en crise ; donne un témoignage intéressant sur plusieurs points dans

Histor iae

VIII sect.39 ligne 5, seul passage où elle est mentionnée.

[3] II 53 [4] mot masculin [5]

Pour Ephore, historien, né à Kymè en Asie Mineure, IV° siècle av.J.-C., la vérité c’est qu’Apollon est un dieu incarné, ou un homme traité comme un dieu plus tard. Pour Strabon, la vérité est que Apollon est ou un dieu ou un homme, mais qu’on ne doit pas mélanger les deux.

[6] Pelopidas : XVI 5-7 [7]

qu’il ne nomme pas

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